L'INCESTE
Définition
L’inceste concerne la famille de sang et la famille élargie, ainsi que la famille par adoption. Mais le lien familial est avant tout pour la victime un lien de proximité, d’autorité, de confiance, de dépendance et d’amour. Ainsi, les agresseur·euses peuvent être, dans la famille de sang, père, mère, frère, soeur, grand-père, grand-mère, oncle, tante, cousin (…), cousine, et dans la famille par alliance : beau-père, belle-mère, oncle par alliance, etc. Entre les mineur·es même un an d’écart peut suffire à établir un lien d’autorité.
Loi du silence et déni
Toute les sociétés humaines font de l’inceste un tabou. Toutefois, la définition de ce qui fait parenté et donc inceste par extension varie d’une société à l’autre. Selon Maurice Godelier (2021), anthropologue, l’union des composantes matérielles (sang, chair, sperme, peau) et immatérielles (nom de famille) à travers l’union sexuelle est interdite, car cet excès de ressemblance pourrait entraîner de funestes conséquences pour les concerné·e·s, pour leurs proches, mais aussi pour la reproduction de l’ordre global de la société, voire de l’Univers. C’est une tension entre, d’un côté, consanguinité biologique et, de l’autre, manque de diversité et d’élargissement des rapports sociaux. L’inceste est ainsi théorisé dans les milieux scientifiques comme étant l’exception, ce qui ne devrait jamais arriver puisqu’il est interdit universellement et de manière unilatérale.
Cet interdit et ce déni empêchent les victimes de parler. En cas de révélation, on refuse parfois de les croire, on met en doute leur parole, on les accuse de détruire leur entourage, tant cela reste considéré comme une pratique horrible et marginale dans l’imaginaire collectif. Au final, comme le relève Dorothée Dussy (2021) :
L’ordre social admet l’inceste mais interdit qu’on en parle.
Le silence le plus assourdissant et le plus douloureux reste souvent celui de la famille. La personne qui dénonce l’inceste est perçue comme une traîtresse. En effet, il est inconcevable qu’un·e agresseur·euse sexuel·le fasse partie du cercle familial. Ainsi, chaque membre de la famille va s’appliquer à entretenir la loi du silence selon des codes la plupart du temps tacites. Comme le dit Cécile Cée (2024), l’inceste n’est jamais une histoire entre deux individus, c’est toujours une histoire de famille, de domination, de savoir qui commande et qui regarde ailleurs. Au final, de nombreuses familles préfèrent sauver les apparences plutôt que de protéger les enfants. La force de ce déni est si grande que, selon certaines recherches, il apparaît que l’inceste est la plupart du temps présent sur plusieurs générations et dans différentes branches familiales, il se reproduit donc à travers le temps.
C’est tout un système structuré dans les familles qui vous enseigne le silence. Et ensuite on vous apprend que si vous parlez, personne ne voudra vous entendre (Pudlowski, 2021).
Chiffres
Code pénal
Ainsi, historiquement, l’interdiction de l’inceste est liée à des questions biologiques et au risque de consanguinité qui en découle. Juridiquement, les pratiques incestueuses sont considérées comme des « crimes ou délits contre la famille », et non comme des « infractions contre l’intégrité sexuelle » spécifiques à un contexte intrafamilial et au rapport de domination qui y est lié.
Bibliographie
Cée Cécile (2024). Ce que Cécile sait. Journal de sortie d’inceste. Paris: Marabout.
CIIVISE (2023). Violences sexuelles faites aux enfants. « On vous croit » (synthèse). Paris.
Dussy Dorothée (2021, 1e ed ). Le berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste. Paris : Pocket.
Godelier Maurice (2021). L’interdit de l’inceste à travers les sociétés. Paris : CNRS éditions.
Optimus Etude (2012). Violences sexuelles envers des enfants et des jeunes en Suisse. Formes, ampleur et circonstances du phénomène. Zurich : UBS Optimus Foundation.
Pudlowski Charlotte (2021). Ou peut-être une nuit. Paris : Grasset.
RTS (2023), Au moins 350 enfants sont victimes d’incestes chaque année en Suisse. www.rts.ch/info/suisse/11932459-au-moins-350-enfants-sont-victimes-dincestes-chaque-annee-en-suisse.html
RTS (2023). La Suisse mal équipée face à la tragédie de l’inceste. www.rts.ch/info/suisse/14361792-la-suisse-mal-equipee-face-a-la-tragedie-de-linceste.html